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Logique formelle

Know your proofs

Dans le langage courant, la logique (mathématique ou autre) est l'art des raisonnements corrects. Dans ce sens, contrairement à la géométrie kählérienne en dimension 8, son utilité saute aux yeux: les arguments corrects, à la base des sciences, permettent de comprendre les trous noirs et faire voler les avions, et ils interviennent aussi dans les procès (on espère), les débats politiques (parfois) et les repas de famille (rarement). Aussi, un "raisonnement correct", on a l'impression de savoir ce que c'est (en tout cas, avant le début du débat).

Un argument correct consiste en un certain nombre de prémisses dont découle une conclusion. Il peut donc échouer de deux façons différentes: soit les prémisses sont faux, soit ils ne fournissent pas de raison suffisante d'accepter la conclusion. Pour régler le premier problème, il nous faudrait décider, pour chaque fait, s'il est vrai ou faux, ce qui semble exagérément fatigant (et de plus rendrait les raisonnements obsolètes). En (toute) logique, on s'intéresse donc plutôt au second: comment utiliser notre raison pour passer d'une affirmation qu'on suppose vraie à une autre.

En Occident, cette quête des règles précises de la raison débute dans le monde grec, dans le cadre plutôt restreint de la géométrie: Thalès, puis l'école pythagoricienne, entreprennent de séparer les axiomes, c'est à dire les vérités évidentes, des affirmations qui, n'étant pas évidentes, doivent être proprement déduites.

C'est Aristote qui entreprit de comprendre les déductions valides en général, en classifiant les syllogismes: "des raisonnements où, certaines choses étant prouvées, une chose autre que celles qui ont été accordées se déduit nécessairement des choses qui ont été accordées", pour citer le Philosophe Lui-Même. Ces raisonnements font typiquement intervenir le passage du général au particulier, comme "Tous les amateurs de théâtre sont mortels, Socrate n'aime pas le théâtre, donc Socrate n'est pas mortel" (qui n'est pas valide) ou "Tous les chats sont vert pomme, Socrate est un chat, donc Socrate est vert pomme" (qui l'est, mais n'a d'intérêt que dans un univers où les chats sont vert pomme).

L'entreprise d'Aristote continua et se développa chez ses élèves, les Péripatéticiens (non, rien à voir, non), comme Théophraste, ainsi que dans d'autres écoles de pensée, comme les Stoïques, qui, contrairement à une idée reçue, ne passaient pas absolument tout leur temps à endurer bravement l'adversité: lorsque l'adversité était RTT, ils élaboraient un système logique complexe qui préfigure la partie "sémantique" de la logique dont on parlera plus tard, ainsi que ce qu'on appelle la logique modale, qui inclut, non seulement des propositions vraies ou fausses, mais aussi des assertions possibles,impossibles, nécessaires ou non nécessaires.

Les systèmes de logique d'Aristote et des Stoïques restèrent dominants dans l'Antiquité classique, mais la plupart des textes de logique stoïque se perdirent, fort peu stoïquement, dans les houles de la chute de l'Empire Romain d'Occident, et c'est Aristote qui eut le plus d'influence sur la logique du Moyen-Orient médival et du Moyen Âge occidental: la logique aristotélicienne assaisonnée de catholicisme s'appelle Scholastique et culmine avec la parution, en 1662, d'un manuel définitif, la Logique de Port-Royal d'Antoine Arnauld et Pierre Nicole.

En parallèle, les succès de la révolution scientifique amènent Francis Bacon à étudier les conditions qui permettent de raisonner correctement à partir d'observations: le raisonnement inductif, à la base de la méthode scientifique. Cette discussion connaît de nombreux rebondissements complètement passionants, mais comme ce n'est pas vraiment le sujet ici, je vous renvoie à l'excellent Qu'est-ce que la science ? d'Alan Chalmers.

Si vous êtes encore là...vous êtes seul: entre le 14ème siècle et le début du 19ème, il ne se passe pas grand-chose en logique. Au 19ème siècle, un grand mouvement de rigorification des mathématiques ravive la flamme de la logique, et, avec l'algèbre booléenne notamment, la logique moderne commence à ressembler à ce qu'elle est aujourd'hui.

On discute ici de la formalisation de la logique déductive qui a découlé de la crise des fondements traversée par les maths au XXème siècle. On y parlera de langages formels (qui, eux, ne se parlent pas), de règles de déduction et de sémantique, et de là, on prouve des théorèmes sur les preuves elles-mêmes.

Aucune discussion des fondements de la logique mathématiques n'est complète sans mentionner l'excellente BD Logicomix. Si vous la lisez, vous apprendrez que même avec en mentionnant Logicomix, la discussion n'est pas complète, ne peut pas l'être, et on peut le prouver. Enfin, Kurt Gödel peut: ce sont les théorèmes d'incomplétude, dont on discute plus en détail ici, ainsi que dans cette excellente vidéo de ScienceEtonnante.

Même si la logique formelle présentée plus haut fait figure de dogme ces derniers temps quand il s'agit de faire des maths, on trouve tout de même des hérétiques qui résistent encore et toujours à l'envahisseur: la logique constructionniste ici ou la logique pertinente .

Enfin, un des buts de tout ça, c'est quand même de faire des maths, et pour ça, les affirmations vraies, ça ne suffit pas. Il nous faut aussi des objets mathématiques, comme des ensembles ou des nombres ou des variétés presque-kählériennes de dimension 4. On ne va pas se plonger dans les variétés presque-kahlériennes maintenant (mais ne me lancez pas là-dessus !), par contre on discutera des ensembles et de leur législation ici et de comment on s'en sert pour construire des nombres ici.

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