Section 4 Des probabilités intuitives à la théorie de la mesure
Subsection 4.1 Minute philosophique

Qu'est-ce qu'une probabilité, au fond ? 1
Commençons simple: pour modéliser un lancer de dés, on utilise l'ensemble
et, à chaque élément \(\omega\in\Omega\text{,}\) on associe le nombre \(\frac16\text{.}\)
\(\leadsto\) \(\Omega\) est l'ensemble des résultats possibles, auxquels on associe la probabilité de se produire au cours d'une expérience aléatoire.
Mais maintenant, supposons qu'on tire un réel au hasard dans l'intervalle \(\Omega=[1,2]\text{.}\) Quelle est la probabilité de tomber précisément sur votre préféré ?
\(\leadsto\) Ne le prenez pas mal, chaque élément de \(\Omega\) est associé à une probabilité \(0\text{.}\) Ce qui n'est pas prometteur....
En revanche, il semble raisonnable d'évaluer la probabilité d'obtenir un réel entre \(1\) et \(\frac{5}{4}\) à \(\frac1{4}\text{.}\)
\(\leadsto\) Plutôt que d'associer un nombre à chaque élément} de \(\Omega\text{,}\) on associe un nombre à chaque sous-ensemble de \(\Omega\text{:}\) pour tout \(A\subset \Omega\text{,}\) \(\mathbb{P}(A)\) est la probabilité de tomber sur un élément de \(A\text{.}\)
Et pour le lancer de dés ? C'est un malentendu: on associe la probabilité \(\frac16\text{,}\) non pas à l'élément \(\omega\text{,}\) mais au singleton \(\{\omega\}\text{.}\)
Ce qui nous permet de calculer les probabilités d'évènements plus généraux: par exemple, la probabilité \(\mathbb{P}(\{2,4,6\})\) d'avoir un résultat pair.
Plus généralement, lorsqu'on fait des probabilités finies (i.e. on s'intéresse à un évènement aléatoire mais qui a un nombre fini de résultats possibles), si on veut calculer la probabilité que le résultat appartienne à un certain ensemble \(A\subset \Omega\text{,}\) en l'absence d'autre information, on s'attend à quelque chose comme
Si par exemple \(\Omega = \{1,2,3,4,5,6\}\times \{1,2,3,4,5,6\}\) représente le résultat du lancer de deux dés équilibrés, alors la l'évènement "l'un des dés donne 1, l'autre 3" correspond à \(A=\{(1,3),(3,1)\}\text{,}\) donc
Mais ce n'est pas la seule possibilité: si le premier dé est pipé, et a une probabilité \(\frac12\) de faire un 1, alors, intuitivement, tous les résultats n'auront pas le même "poids".
\(\leadsto\) Sur un même ensemble \(\Omega\text{,}\) selon ce qu'on veut modéliser, on ne va pas mesurer les sous-ensemble de la même façon.
D'où l'idée d'introduire une définition générale, qui résume les propriétés auxquels on s'attend quand on fait des probas 2 .
Définition 4.1.
Soit \(\Omega\) un ensemble quelconque. Une mesure de probabilité sur \(\Omega\) serait donc une application
Les éléments de \(\mathcal P(\Omega)\) sont appelés évènements.
Pour que nos calculs de probabilités soient raisonnables, on a quelques réclamations supplémentaires:
\(\mathbb{P}(\emptyset)=0\text{;}\)
Si \((A_n)_n\) est une suite disjointe d'évènements, \(\mathbb{P}(\bigsqcup A_n)=\sum \mathbb{P}(A_n)\text{;}\)
\(\mathbb{P}(\Omega)=1\text{;}\)
Subsection 4.2 Variables aléatoires et espérance
Soit un ensemble quelconque \(\Omega\) muni d'une mesure de probabilité \(\mathbb{P}\text{.}\)
Une variable aléatoire est une fonction \(X\) définie sur l'ensemble "inconnu" \(\Omega\text{,}\) à valeurs dans un ensemble connu d'états \(E\) (typiquement \(\R\) ou \(\R^n\))
\(\leadsto\) \(X\) représente le résultat d'une expérience aléatoire, que \(E\) nous permet de manipuler numériquement:
par exemple, \(X\) pourrait être le temps d'attente au RU en minutes juste après un cours de prérentrée d'intégration (dans \(\N_*\)),
ou la couleur de cheveux de la personne juste devant vous en RVB (dans \([0,255]^3\)),
ou les dégâts infligés à Demogorgon par un Barde de niveau 6 (dans \([0,\varepsilon]\)).
Etant donnée une variable aléatoire \(X:\Omega \rightarrow \R\text{,}\) on s'intéresse généralement à l'espérance de \(X\text{.}\)
Qu'est-ce que l'espérance ? 3
Exemple:
Reprenons \(\Omega=\{1,2,3,4,5,6\}\) avec sa probabilité uniforme et introduisons une v.a. \(X\) sur \(\Omega\text{,}\) mettons
Alors il semble raisonnable que l'espérance de \(X\) soit
Exemple 2:
Et si \(\Omega\) est un ensemble fini, avec une mesure de proba \(\mathbb{P}\) et \(X:\Omega\rightarrow \R\) une v.a. réelle, on s'attend à
Exemple 3:
Et si \(\Omega\) est un intervalle ?
Dans ce cas, il faudrait une intégrale pour remplacer la somme.
\(\leadsto\) Il faut donner un sens à
C'est ce que la théorie de la mesure permet de faire.
-
On va voir que souvent, il n'existe pas de mesure de probabilité sur \(\mathcal P(\Omega)\) tout entier.
\(\leadsto\) Sur quels sous-ensembles de \(\mathcal P(\Omega)\) peut-on calculer des probabilités ?
\(\leadsto\) On les appellera des tribus \(\mathscr T\text{.}\)
Quelles sont les propriétés des mesures de probabilités ?
\(\leadsto\) Plus généralement on étudiera les
mesures
\(m:\mathscr T\rightarrow \R^+\) sur un ensemble \(\Omega\) quelconque. Comment construire une intégrale à partir d'une mesure \(m\) ? Quelles sont les fonctions intégrables avec cette intégrale ?
Petit Exercice 4.2.
On considère \(E= \{0,1\}\text{.}\)
Calculer \(\mathcal P(E)\) et \(\mathcal P(\mathcal P(E))\text{.}\)
Exercice 4.1.
On considère le sous-ensemble \(\mathscr A=\{\emptyset,2\N,2\N+1,\N\}\subset \mathcal P(\N)\text{.}\)
(a)
Montrer que \(A\in \mathscr A\Rightarrow A^c\in \mathscr A\text{.}\)(b)
Montrer que \(A,B\in \mathscr A\Rightarrow A\cup B\in \mathscr A\text{.}\)(c)
Montrer que \(A,B\in \mathscr A\Rightarrow A\cap B\in \mathscr A\text{.}\)(d)
Montrer que \(A,B\in \mathscr A\Rightarrow A\setminus B\in \mathscr A\text{.}\)(e)
Mêmes questions avec
Exercice 4.2.
Soit \(f:E\rightarrow F\text{.}\)
(a)
Soient \(A,B\in\mathcal P(E)\text{.}\)
Montrer que \(f(A\cup B)=f(A)\cup f(B)\text{;}\)
-
Montrer que \(f(A\cap B) \subset f(A)\cup f(B)\)
\(\leadsto\) Trouver un exemple où l'inclusion est stricte.
Trouver un exemple où \(f(A^c)\neq f(A)^c\text{.}\)
(b)
Soient \(X,Y\in\mathcal P(F)\text{.}\)
Montrer que \(f^{-1}(X\cup Y)=f^{-1}(X)\cup f^{-1}(Y)\text{;}\)
Montrer que \(f^{-1}(X\cap Y)=f^{-1}(X)\cap f^{-1}(Y)\text{;}\)
Montrer que \(f^{-1}(X^c)=f^{-1}(Y^c)\text{.}\)
Exercice 4.3.
(a)
Soit \((f_n)_n\) une suite de fonctions. Montrer que