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Section 1.1 Une petite question

Question: Que vaut la somme infinie \(1+2+3+4+...\) ?

Réponse immédiate: Ben, l'infini. Plus infini.

Question: Que vaut la somme infinie \(1+2+3+4+...\) ?

Réponse raisonnable 1 : L'outil mathématique qui sert à traiter les sommes infinies, c'est ce qu'on appelle les séries.

On a une infinité de réels qu'on veut sommer: si on les numérote 2 , ça nous donne une suite \(u_0,u_1,u_2...\text{,}\) disons \((u_n)_n\) pour faire court. Et, fort intuitivement, pour savoir ce que "vaut" la somme infinie, on s'intéresse aux sommes finies

\begin{align*} S_0\amp=u_0\\ S_1\amp=u_0+u_1\\ S_2\amp=u_0+u_1+u_2\\ \ldots \amp \ldots\\ S_{227}\amp=u_0+u_1+u_2+\ldots+u_{227} \end{align*}

\(\leadsto\) il y en a une infinité, ce qui nous fait une nouvelle suite \((S_n)_n\text{.}\) Pour ne pas les confondre, on appelle la suite \((u_n)_n\) terme général de la série, et la suite \((S_n)_n\) suite des sommes partielles.

Il semble raisonnable de penser que si la somme infinie est égale à quelque chose, la suite \(S_n\) devrait s'en rapprocher quand on prend des \(n\) de plus en plus grands.

Supposons par exemple qu'on ait un kilomètre à parcourir, et qu'on procède en parcourant la moitié du chemin, donc \(\frac12\) km, puis la moitié de ce qui reste, donc \(\frac14\) km, et ainsi de suite. On fait donc \(\frac12+\frac14+...\)

\(\leadsto\) Plus on aura fait d'étapes, et plus on sera proche d'avoir parcouru 1 km.

\(\leadsto\) On appelle ça la limite quand \(n\rightarrow \infty\) de la suite \((S_n)_n\text{.}\) On dit donc traditionnellement que la série de terme général \((u_n)_n\) converge ssi la suite \((S_n)_n\) a une limite \(S\) dans \(\R\), et on note alors

\begin{equation*} \sum_{n=0}^\infty u_n =S \end{equation*}

Reprenons notre exemple précédent: si on note \(u_n\) le chemin qu'on parcourt à l'étape \(n\text{,}\) on a donc \(u_n=\frac1{2^n}\text{,}\) et \(S_n=\frac12+\frac14+...+\frac1{2^n}\text{.}\) Si on calcule, ça fait \(S_n=1-\frac1{2^{n+1}}\text{,}\) et donc la limite est bien \(1\text{.}\) Au bout d'une infinité d'étapes, on aura parcouru notre kilomètre 3 .

Et si \((S_n)_n\) ne converge pas, on dit que la série diverge. Et dans ce cas, la somme infinuie \(u_0+u_1+....\) vaut \(+\infty\text{,}\) si \(S_n\rightarrow \infty\text{,}\) ou n'est pas définie du tout.

Par exemple, la somme infinie 1+1+1+.... correspond au terme général \(u_n=1\) et aux sommes partielles \(S_n=\underbrace{1+1+...+1}_{n\ \text{fois}}=n\text{.}\) Comme \(S_n \rightarrow \infty\text{,}\) cette série diverge et sa somme vaut \(\infty\text{.}\)

En revanche, la somme infinie 1-1+1+... correspond au terme général \(u_n=(-1)^n\) et aux sommes partielles

\begin{equation*} S_n=\underbrace{1-1+...+1}_{n\ \text{fois}}=\begin{cases}0\text{ si } n \text{ pair,}\\1\text{ si } n \text{ impair} \end{cases} \end{equation*}

\(S_n\) oscille indéfiniment entre 0 et 1 et ne se rapproche jamais de rien: c'est aussi une série divergente.

Il semble tout aussi intuitif et raisonnable de dire qu'une somme infinie de termes positifs ne saurait converger que si on somme des termes de plus en plus petits.

Et notre outil, les séries, confirme ceci: si la série de terme général \((u_n)_n\) converge, alors \(S_n\rightarrow S\text{,}\) et du coup \(S_{n-1}\rightarrow S\text{,}\) donc

\begin{equation*} u_n=S_n - S_{n-1} \rightarrow S-S =0 \end{equation*}

Donc la question précise ici est: vers quoi converge la série de terme général \((u_n = n )_n\) ?

Mais ici, \(u_n=n\) ne tend certainement pas vers 0 ! Donc la série diverge. Grossièrement, même.

Question: Que vaut la somme infinie \(1+2+3+4+...\) ?

Réponse patiente: Ok, calculons la suite \((S_n)_n\) des sommes partielles pour vérifier que ça tend bien vers \(+\infty\text{.}\)

Montrer par récurrence sur \(n\in \N\) que

Spoiler.

La légende raconte que c'est Carl Friedrich Gauss qui a obtenu cette formule, quand il avait 10 ans. Son instituteur, fatigué de le voir terminer les exercices en un temps record et en réclamer d'autres, pensa qu'il pourrait l'occuper un bon moment en lui demandant de calculer la somme des entiers de 1 à 100. Carl Friedrich leva la main 5 minutes plus tard avec la bonne réponse: 5050.

Et il n'a pas trouvé ça par pur calcul mental ! Il a remarqué que la somme qu'on lui demandait pouvait s'écrire "dans les deux sens":

Morale: Carl Friedrich Gauss n'était pas mauvais en mathématiques.

Morale 2: Des fois qu'on ait encore un doute:

\begin{equation*} \sum_{k=0}^n k = \frac{n(n+1)}2 \end{equation*}

On peut aussi le faire géométriquement, comme présenté ici par mon cobureau des temps jadis, Olivier Pierre:

Quelle que soit la façon dont on s'y prend, on obtient donc

\begin{equation*} S_n=1+2+3+...+n=\frac{n(n+1)}2 \xrightarrow[n\rightarrow \infty]{}+\infty \end{equation*}

Donc la somme de tous entiers donne \(+\infty\text{.}\) Ce qui ne semble pas délirant. Ca fait quand même beaucoup d'entiers.

Question: Que vaut la somme infinie \(1+2+3+4+...\) ?

Réponse de l'internet: \(-\displaystyle\frac{1}{12}\) !

A lire avec un ton docte, et si possible, des lunettes tout au bout du nez
Oui, du coup, une infinité dénombrable. Gros malin.
Ca perturbait beaucoup Zénon 4 , cette histoire.
fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxes_de_Z%C3%A9non#Paradoxe_de_la_dichotomie