Section 2.2 Propriétés de la mesure extérieure
La mesure extérieure vérifie la propriété de monotonie attendue:
Proposition 2.2.1.
Soient \(A,B \in \mathcal P(\mathbb R)\) tels que \(A \subset B\text{.}\) Alors \(|A| \leq |B|\text{.}\)
Preuve.
Soit \((I_n)_n\) une suite d'intervalles dont l'union contient \(B\text{.}\) Alors \(A\subset \bigcup_n I_n\text{,}\) donc \(|A|\leq \sum \ell(I_n)\text{.}\) Ceci étant vrai pour toute suite d'intervalles contenant \(B\text{,}\) on en déduit que \(|A|\leq |B|\text{,}\) comme annoncé.
Exemple 2.2.2.
Testons la mesure extérieure sur quelques cas:
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Les ensembles finis ont une mesure extérieure nulle. Soit \(A=\{a_1,\dots,a_n\}\) une partie finie de \(\mathbb R\text{.}\) Alors, pour tout \(\varepsilon \gt 0\text{,}\)
\begin{equation*} A \subset \bigcup_i\, \lbb a_i- \varepsilon, a_i + \varepsilon\rbb \end{equation*}donc \(|A| \leq \sum_i 2\varepsilon = 2n\varepsilon\text{.}\) Donc \(|A| = 0\text{.}\)
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Les ensembles dénombrables ont une mesure extérieure nulle. Plus généralement, soit \(A=\{a_1,a_2,\dots\}\) un ensemble dénombrable. Alors
\begin{equation*} A \subset \bigcup_i\, \left[\, a_i- \frac \varepsilon{2^i}, a_i + \frac \varepsilon{2^i}\,\right] \end{equation*}donc \(|A|\leq 2\sum_i \frac\varepsilon{2^i} = 2 \varepsilon\text{.}\) Ceci étant vrai pour tout \(\varepsilon \gt 0\text{,}\) on a bien \(|A|=0\text{.}\)
Un résultat rassurant, mais plus difficile qu'il n'y paraît: Pour tous \(a\lt b\text{,}\) \(|\rbb a,b\lbb |=|\lbb a,b\rbb |=b-a\text{.}\) Voir l'annexe.
La mesure extérieure a deux autres propriétés agréables: l'invariance par translation et la sous-additivité.
Proposition 2.2.3.
Soit \(A \subset \mathbb R\text{,}\) \(t \in \mathbb R\text{.}\) Alors \(|t+A| = |A|\text{.}\)
Autrement dit, le poids d'une partie de \(\mathbb R\) ne dépend pas d'"où" elle se trouve dans \(\mathbb R\text{.}\)
Preuve.
Soit \((I_n)_n\) une suite d'intervalles contenant \(A\text{.}\) Alors \(t+A \subset \bigcup (t+I_n)\) donc \(|t+A| \leq \sum_n \ell(t+I_n)\text{.}\) Or pour tout \(n\text{,}\) \(\ell(t+I_n) = \ell(I_n)\text{,}\) donc \(|t+A| \leq \sum \ell(I_n)\text{.}\) Ceci étant vrai pour toute suite d'intervalles contenant \(A\text{,}\) on a \(|t+A|\leq |A|\text{.}\)
Réciproquement, puisque \(A = -t+(t+A)\text{,}\) on a \(|A| \leq |t+A|\text{.}\)
La propriété suivante, appelée en jargon additivité dénombrable, permet de majorer la mesure d'une union par la somme des mesures de ses composantes. Ce qui généralise l'observation suivante: \(\lbb 1,4\rbb = \lbb 1,3\rbb \cup \lbb 2,4\rbb \text{,}\) et \(3 =\ell(\lbb 1,4\rbb ) \leq \ell(\lbb 1,3\rbb )+\ell(\lbb 2,4\rbb )=4\text{,}\) et l'inégalité vient du fait que l'intersection est "comptée deux fois". Plus généralement:
Proposition 2.2.4.
Soit \((A_k)_k\) une suite de parties de \(\mathbb R\text{.}\) Alors
Preuve.
Si l'un des \(A_k\) est de mesure extérieure infinie, le résultat est immédiat (en utilisant la monotonie).
Supposons donc que pour tout \(k\text{,}\) \(|A_k|\) est fini. Soit \(\varepsilon \gt 0\text{.}\) Par définition de la borne inférieure, il existe pour chaque \(k\) une famille dénombrable d'intervalles \((I_{j,k})_j\) telle que \(A_k \subset \bigcup I_{j,k}\) et
Alors \((I_{j,k})_{j,k}\) est une famille dénombrable 1 d'intervalles qui contient \(\bigcup_k A_k\) donc
Ceci étant vrai pour tout \(\varepsilon \gt 0\text{,}\) on a bien l'inégalité requise.
On en déduit:
Corollaire 2.2.5.
Soit \(A\) un sous-ensemble dénombrable de \(\mathbb R\text{.}\) Alors \(|A|=0\text{.}\)
Preuve.
En exercice !
La mesure extérieure semble donc un excellent candidat pour généraliser la longueur des intervalles. Comme disait Hubert:
"Jusqu'ici, tout va bien."