Chapitre 11 Mesure de Borel et applications linéaires
Ici, on va s'attaquer à la démonstration du théorème suivant:
Théorème 11.0.1.
Soit \(L\in \mathcal L(\R^n,\R^n)\) un endomorphisme de \(\R^n\) (où \(n\geq 2\)) 1 et soit \(B\in\B(\R^n)\) un borélien de \(\R^n\text{.}\)
Alors on a
Rappelons au cas où que \(B\in\B(\R^n)\) est la tribu sur \(\R^n\) engendrée par les ouverts de \(\R^n\text{.}\) On peut aussi montrer qu'elle est engendrée par les "hyperpavés" :
et \(\mu_n\) est la mesure de Borel sur \(\R^n\) : c'est l'unique mesure \(\B(\R^n)\rightarrow \rbb 0,+\infty\lbb \) telle que
pour tous \(a_1,b_1,...,a_n,b_n\in \R\) tels que pour chaque \(i=1,...,n\text{,}\) \(a_i\leq b_i\text{.}\)
Remarque 11.0.2.
La mesure de Borel sur \(\R\text{,}\) \(\mu_1\text{,}\) nous sert à définir la "longueur" des boréliens de \(\R\text{,}\) donc on la définit pour que
\(\leadsto\) Autrement dit, pour un intervalle, on sait déjà quelle est la "bonne" réponse: la longueur de \(\rbb a ,b \rbb\text{,}\) ça devrait être \(b-a\text{.}\)
De même, le rôle de la mesure de Borel \(\mu_2\) sur \(\R^2\) est de définir l'aire d'un borélien, donc on veut que, pour le cas connu d'un rectangle \(R = \rbb a_1,b_1\rbb \times \rbb a_2,b_2\rbb\text{,}\) ça donne
Et dans \(\R^3\text{,}\) on veut que \(\mu_3\) généralise le volume: et du coup, si on a un pavé \(P = \rbb a_1,b_1\rbb \times \rbb a_2,b_2\rbb \times \rbb a_3,b_3\rbb\text{,}\) on veut que
Rappelons aussi ce qu'on entend par le déterminant de \(L\text{:}\) c'est le déterminant de la matrice \(\rbb L\lbb _{\mathcal B_0}\) qui représente \(L\) dans la base canonique \(\mathcal B_0\) de \(\R^n\text{.}\)
Et en fait, c'est aussi le déterminant de la matrice de \(L\) dans n'importe autre quelle base \(\mathcal B\) de \(\R^n\text{:}\) en effet, si on note \(P\) la matrice de passage de \(\mathcal B_0\) à \(\mathcal B\text{,}\) alors \(\rbb L\lbb _{\mathcal B} = P^{-1}\rbb L\lbb _{\mathcal B_0}P\text{,}\) donc
\(\leadsto\) C'est ce qui nous permet de parler du déterminant de l'endomorphisme \(L\text{,}\) sans avoir à spécifier dans quelle base on a calculé la matrice.
Pour montrer le Théorème 11.0.1, le plan sera le suivant:
-
On va séparer deux cas: le cas où \(L\) est inversible, et le cas où \(L\text{...}\)eh bien, ne l'est pas.
Pour le cas où \(L\) est inversible, on va faire ça doucement par étapes.
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Avant de s'attaquer aux boréliens sauvages, on va s'échauffer sur un ensemble beaucoup plus domestiqué: le cube 2 unité \(C_0^n= \rbb 0,1\rbb ^n\text{.}\)
Et pendant qu'on y est, on va aussi commencer par considérer des applications linéaires \(L\) inversibles particulièrement simples: bon, \(L=I_n\text{,}\) c'est peut-être un peu trop simple, mais on va regarder des endormorphismes dits "élémentaires" qui ne sont pas beaucoup plus méchants.
-
A partir de ces endomorphismes élémentaires, on va repasser à un isomorphisme linéaire \(L\) quelconque, toujours dans le cas de \(B=C_0^n\text{:}\) on va montrer modestement que
\begin{equation*} \mu_n(L(C_0^n)) = |\det L| \mu_n(C_0^n) \end{equation*} -
De là, on va passer à un (hyper-)rectangle quelconque \(R=\rbb a_1,b_1 \rbb\times... \times \rbb a_n,b_n \rbb\text{:}\)
\begin{equation*} \mu_n(L(R))= |\det L| \mu_n (R) = |\det L| \, (b_1 - a_1)(b_2-a_2)....(b_n-a_n) \end{equation*}en utilisant l'invariance par translation de \(\mu_n\) et la linéarité de \(L\text{.}\)
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Et maintenant, on va utiliser le fait que \(\mu_n\) est l'unique mesure sur \((\R^n ,\B(\R^n))\) telle que
\begin{equation*} \mu_n(\rbb a_1,b_1 \rbb\times... \times \rbb a_n,b_n \rbb)=(b_1 - a_1)(b_2-a_2)....(b_n-a_n). \end{equation*}
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Le cas où \(L\) n'est pas inversible va être en fait plus facile, mais elle utilise le cas où \(L\) est inversible, donc on va la garder pour la fin à la Section 11.5
On va supposer que le résultat équivalent pour \(n=1\) est déjà connu:
et on va d'ailleurs allègrement utiliser ce résultat.