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Section 3.1 Tribus et ensembles mesurables

Posons notre liste de souhaits:

Définition 3.1.1.

Soit \(X\) un ensemble. On appelle tribu (ou \(\sigma\)-algèbre) sur \(X\) une famille \(\mathscr T\) de parties de \(X\) telle que

  1. \(\displaystyle \emptyset \in \mathscr T\)

  2. Si \(A\in \mathscr T\) alors son complémentaire \(A^c\in \mathscr T\)

  3. Si \((A_n)_n \) est une famille dénombrable d'éléments de \(\mathscr T\text{,}\) alors \(\bigcup_n A_n \in \mathscr T\text{.}\)

Les éléments de \(\mathscr T\) sont les parties mesurables de \(X\text{,}\) et on dit que \((X, \mathscr T)\) est un espace mesurable.

Quelques propriétés immédiates qui découlent de cette définition:

Exercice 3.1.1. Exemples généraux.

Les exemples suivants fonctionnent, quel que soit l'ensemble \(X\text{:}\)

(a)

Montrer que \(\{\emptyset, X\}\) est une tribu, et que c'est la plus petite tribu possible sur \(X\text{.}\)

....et elle n'est pas très intéressante, il faut le reconnaître. On montre notre profond mépris en la nommant tribu grossière.

(b)

Vérifier que \(\mathcal P(X)\) est une tribu, et que c'est la plus grande tribu sur \(X\text{.}\)

Bien qu'elle soit grande et donc difficile à louper, on la nomme tribu discrète (parce que c'est celle qu'on utilisera généralement sur les ensembles discrets)

(c)

Soit \(A \subset X\text{.}\) Montrer que

\begin{equation*} \mathscr T_1=\{\emptyset, A, A^c, X\} \end{equation*}

est une tribu, et que c'est la plus petite tribu sur \(X\) qui contient \(A\text{.}\)

On l'appelle donc la tribu engendrée par \(\{A\}\) 1 .

(d)

Enfin, montrer que

\begin{equation*} \{E \in \mathcal P(X),\, E \text{ fini}\} \end{equation*}

est une tribu si et seulement si \(X\) est fini, et que dans ce cas c'est la tribu discrète.

Supposons \(X\) infini, montrer que

\begin{equation*} \{E \in \mathcal P(X),\, E \text{ fini ou } E^c \text{ fini }\} \end{equation*}

n'est toujours pas une tribu, mais que

\begin{equation*} \mathscr T_2=\{E\subset X, E \text{ au plus dénombrable ou } E^c \text{ au plus dénombrable }\} \subset\mathcal P(X) \end{equation*}

par contre, est bien une tribu sur \(X\text{.}\)

Indice.

Rappel de quelques résultats sur les ensembles dénombrables et infinis

  • Un ensemble infini contient un sous-ensemble dénombrable.

  • Une union dénombrable d'ensembles au plus dénombrable est encore dénombrable.

  • \(\emptyset\) est un ensemble fini (de cardinal nul).

Spoiler.

Exercice 3.1.2. Contre-exemples.

Soit \((E, \|.\|)\) un espace vectoriel normé.

(a)

La famille \(\mathcal O\) des ouverts de \(E\) (qu'on appelle la topologie de \(E\)) est-elle une tribu ?

Spoiler.

En général non, car le complémentaire d'un ouvert n'est pas forcément un ouvert: par exemple, pour \(E=\R\text{,}\)

\begin{equation*} \lbb 0, +\infty \rbb \in \mathcal O \end{equation*}

mais

\begin{equation*} \R\setminus \lbb 0, +\infty \rbb = \lbb -\infty,0 \lbb \notin \mathcal O \end{equation*}

\(\leadsto\) \(\mathcal O\) n'est pas stable par passage au complémentaire.

Symétriquement, la famille \(\mathcal F\) des fermés n'est pas non plus une tribu.

(b)

La famille \(\mathcal O \cup \mathcal F\) des ensembles ouverts ou fermés de \(E\) est-elle une tribu ?

Spoiler.

En général, ce n'est pas une tribu non plus: par exemple dans \(\mathbb R\text{,}\) pour tout \(n\in\N^*\text{,}\)

\begin{equation*} \left\[\, 0,1-\frac 1n\,\right]\, \in \mathcal F \subset \mathcal O \cup \mathcal F \end{equation*}

mais

\begin{equation*} \bigcup_n \left\[\, 0,1-\frac 1n\,\right]\, = \rbb 0,1\rbb \end{equation*}

 2 

n'est ni ouvert, ni fermé, donc n'appartient pas à \(\mathcal O \cup \mathcal F\text{:}\) \(\mathcal O \cup \mathcal F\) n'est pas stable par union dénombrable.

Et encore des exemples:

Exercice 3.1.3.

(a)

Montrer que l'ensemble

\begin{equation*} \mathscr T_3=\{A\subset \mathbb R, A=-A\} \subset\mathcal P(\mathbb R) \end{equation*}

des sous-ensembles de \(\mathbb R\) symétriques par rapport à 0 est une tribu sur \(\mathbb R\text{.}\)

(b)

Soit \(X\) un ensemble non vide, et \(\mathscr T\) une tribu sur \(X\text{.}\) Soit de plus \(A\subset X\text{.}\) Montrer que l'ensemble

\begin{equation*} \mathscr T_A=\{B\in \mathscr T, A\subset B \text{ ou } A\cap B = \emptyset\} \subset\mathcal P(X) \end{equation*}

est une tribu sur \(X\text{.}\)

Subsection 3.1.1 Fabrication de tribus

A partir d'une tribu \(\T\) sur un ensemble \(X\text{,}\) on peut en construire de nouvelles:

Soit \((X,\T)\) un ensemble mesurable, et soit \(A\subset X\text{.}\) On note

\begin{equation*} i_A: A\rightarrow X \end{equation*}

la fonction inclusion de \(A\) dans \(X\text{.}\) Montrer que

\begin{equation*} \T_A=i_A^{-1}(\T) \end{equation*}

autrement dit la tribu trace de \(\T\) sur \(A\) coincide avec la tribu image réciproque de \(\T\) par \(i_A\text{.}\)

En revanche, si \((X,\T)\) est un ensemble mesurable, \(Y\) un autre ensemble et \(f:X\rightarrow Y\) une fonction, alors en général, la famille de sous-ensembles

\begin{equation*} \{f(A),A\in \T\}\subset \P(Y) \end{equation*}

n'est pas une tribu sur \(Y\text{.}\)

C'est assez facile à voir, en fait: considérons un exemple mesuré simple: \(X=\{1,2,3\}\) avec la tribu \(\mathcal P(X)\text{,}\) \(Y=\{Chocolat, Epinard, Salsifi\}\text{.}\) On prend une fonction constante

\begin{equation*} f:X\rightarrow Y,\ f(1)=f(2)=f(3)=Chocolat \end{equation*}

Alors que que soit \(A\in\P(X)\) non vide,

\begin{equation*} f(A)=\{Chocolat\} \end{equation*}

et

\begin{equation*} f(\emptyset)=\emptyset \end{equation*}

donc \(\{f(A),A\in \T\} = \{\, \{Chocolat\}\, \}\) n'est pas une tribu, puisque \(Y\notin \{Chocolat\}\, \}\text{.}\)

Trouver un contre-exemple où \(f\) est surjective.

Spoiler.

Prenons

\begin{equation*} X=\{a,b,c\},\ Y=\{1,2\} \end{equation*}

avec la tribu sur \(X\text{:}\)

\begin{equation*} \T=\{\emptyset, \{a\},\{b,c\},X\} \end{equation*}

 3 

et la fonction \(f:X\rightarrow Y\) définie par

\begin{equation*} f(x) = \begin{cases} 1 \amp \text{ si } x\ne c\\2 \amp \text{ si } x=c.\end{cases} \end{equation*}

Alors

\begin{equation*} f(S)=\{ \emptyset, \{1\}, \{1,2\}\} \end{equation*}

n'est pas stable par complémentaire, donc ce n'est pas une tribu sur \(Y\text{.}\)

Du coup, pour passer d'une tribu sur \(X\) à une tribu sur \(Y\) via une fonction \(f:X\rightarrow Y\text{,}\) il faut se contorsionner un peu:

Si on reprend

\begin{equation*} X=\{a,b,c\},\ Y=\{1,2\} \end{equation*}

avec la tribu sur \(X\text{:}\)

\begin{equation*} \T=\{\emptyset, \{a\},\{b,c\},X\} \end{equation*}

et la fonction \(f:X\rightarrow Y\) définie par

\begin{equation*} f(x) = \begin{cases} 1 \amp \text{ si } x\ne c\\2 \amp \text{ si } x=c.\end{cases} \end{equation*}

alors

\begin{equation*} \P(Y)=\{\emptyset,\{1\},\{2\},\{1,2\}\} \end{equation*}

ce qui donne

\begin{gather*} f^{-1}(\emptyset) = \emptyset \in \T \leadsto \emptyset \in f(\T)\\ f^{-1}(\{1\}) = \{a,b\} \notin \T \leadsto \{1\} \notin f(\T)\\ f^{-1}(\{2\}) = \{c\} \notin \T \leadsto \{2\} \notin f(\T)\\ f^{-1}(Y) = X \leadsto Y \in f(\T) \end{gather*}

donc au total,

\begin{equation*} f(\T)=\{Y,\emptyset\} \end{equation*}

\(\leadsto\) C'est bien une tribu sur \(Y\) (quoi que pas très riche, mais bon, \(Y\) lui-même est assez peu intéressant...sauf si on parle de loi de Bernoulli, peut-être).

Et non "engendrée par \(A\)": on va revenir un peu plus tard là-dessus
Vérifiez cette égalité !
C'est un cas particulier de l'[cross-reference to target(s) "Ex1" missing or not unique]