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Section 7.1 Intégrale des fonctions étagées positives

On commence par tremper les orteils dans le petit bassin:

Définition 7.1.1.

Soit \(f\in \mathscr E^+(X,\mathscr T)\) prenant les valeurs \(\alpha_1,\ldots,\alpha_n\text{,}\) de sorte que

\begin{equation*} f=\sum_{i=1}^n \alpha_i \mathbb{1}_{f^{-1}(\{\alpha_i\})}, \end{equation*}

où les \(f^{-1}(\alpha_i)\) forment une PMF de \(X\text{.}\) Soit \(\mu\) une mesure que \((X,\mathscr T)\text{.}\) On appelle intégrale de \(f\) par rapport à la mesure \(\mu\) la quantité

\begin{equation*} \int_X f d \mu = \sum_{i=1}^n \alpha_i \mu(f^{-1}(\alpha_i))\in \rbb 0,+\infty\lbb , \end{equation*}

avec la convention (quelque peu scandaleuse) "\(0\times \infty=0\)" pour les cas où \(\alpha_i=0\) et \(\mu(A_i)=+\infty\text{,}\) ou l'inverse  1 .

Remarque 7.1.2.

Si \(f\) est la fonction nulle, alors, avec notre convention, on a

\begin{equation*} \int_X f d \mu= 0\times \mu(X)=0, \end{equation*}

même si \(X\) est lui-même de mesure infinie. Par ailleurs  2 

\begin{equation*} \int_f d \mu \lt \infty \iff \mu(\{x\in X,\, f(x)\neq 0\})\lt\infty \end{equation*}
  1. Soit \(p\in X\) et \(\mu=\delta_p\) la mesure de Dirac sur \((X,\mathscr T)\text{.}\) Soit \(f\in \mathscr E^+(X,\mathscr T)\text{.}\) Alors \(\delta_p(\{x\in X, f(x)=f(p)\})=1\) et \(\delta_p(\{x\in X, f(x)=\alpha\})=0\) pour tout \(\alpha\in f(X)\setminus \{f(p)\}\text{,}\) donc

    \begin{equation*} \int_X f d \delta_p=f(p). \end{equation*}
  2. Nous sommes dès maintenant en mesure d'affronter notre némésis; l'indicatrice des rationnels.

    On se place dans l'espace mesuré \((\mathbb R, \mathscr B(\mathbb R),\lambda)\)\(\lambda\) est la mesure de Lebesgue. Alors, puisque \(\mathbb Q\) est dénombrable 3 , on sait que \(\lambda(\mathbb Q)=0\) 4 . On a donc:

    \begin{equation*} \int_{\mathbb R} \mathbb{1}_{\mathbb Q} d\mu = \lambda(\mathbb Q)=0 \end{equation*}
    Figure 7.1.4. L'intégrale de Lebesgue roulant sur l'indicatrice des rationnels (Vue d'artiste).

    De même, on a

    \begin{equation*} \int_{\mathbb R} \mathbb{1}_{\rbb 0,1\lbb \setminus\mathbb Q} d\mu = 1. \end{equation*}

L'exercice suivant montre que cette formule reste vraie si on considère une PMF différente de \(X\text{:}\)

Considérons une combinaison linéaire d'indicatrices \(f=\sum_{k=1}^n \beta_k \mathbb{1}_{B_k}\) où les \(\beta_k\) sont des réels positifs et les \(B_k\) des ensembles mesurables disjoints.

Dans ce cas, \(f\) prend un nombre fini de valeurs  5 . Si on note \(f(X)=\{\alpha_1,\ldots,\alpha_m\}\) l'image de \(f\) on a donc

\begin{equation*} f = \sum_{k=1}^n \beta_k \mathbb{1}_{B_k}=\sum_{i=1}^m \alpha_i \mathbb{1}_{f^{-1}(\{\alpha_i\})} \end{equation*}

Montrer qu'alors \(f\in \mathscr E^+(X,\mathscr T)\) et

\begin{equation*} \int_X f d \mu = \sum_{k=1}^n \beta_k\,\mu(B_k) \end{equation*}
Indice.

Attention, ça ne signifie pas que pour tout \(k\) il existe un \(i\) tel que \(B_k=f^{-1}(\{\alpha_i\})\text{.}\) Par exemple, on pourrait avoir

\begin{equation*} f=\mathbb{1}_{\rbb 0,1\lbb }=\mathbb{1}_{\rbb 0,\frac12\lbb }+\mathbb{1}_{\lbb \frac12,1\lbb } \end{equation*}

avec \(B_1=\rbb 0,\frac12\lbb \) et \(B_2=\lbb \frac12,1\lbb \) disjoints mais différents de \(f^{-1}(1)\text{.}\)

Spoiler.

On peut supposer les \(\alpha_i,\beta_k\) non nuls; on fait donc ça.

Dans ce cas, pour chaque \(x\in X\text{,}\) il y a au plus un \(k\) tel que \(x\in B_k\text{,}\) et alors \(f(x)=\beta_k\text{.}\) On en déduit que \(f(X)=\{\alpha_1,\ldots,\alpha_m\}=\{\beta_1,\ldots,\beta_n\}\text{.}\) De plus, \(\beta_k = \alpha_i \iff B_k \subset f^{-1}(\{\alpha_i\})\) et \(f^{-1}(\{\alpha_i\})=\bigcup_{k|B_k \subset f^{-1}(\{\alpha_i\})} B_k\text{.}\) On en calcule alors

\begin{align*} \int_X f d \mu \amp = \sum_{i=1}^m \alpha_i \mu(f^{-1}(\alpha_i))\\ \amp = \sum_{i=1}^m \alpha_i \mu(\bigcup_{k|B_k \subset f^{-1}(\{\alpha_i\})} B_k) \\ \amp = \sum_{i=1}^m \alpha_i\sum_{k|B_k \subset f^{-1}(\{\alpha_i\})}\mu(B_k)\\ \amp = \sum_{i=1}^m\sum_{k|B_k \subset f^{-1}(\{\alpha_i\})} \beta_k \mu(B_k)\\ \amp= \sum_{k=1}^n \beta_k\,\mu(B_k). \end{align*}

On peut notamment se servir de ce résultat pour "découper plus finement" les \(f^{-1}(A_i)\) (c'est l'analogue des subdivisions d'intervalles de plus en plus fines de la théorie de Riemann)

Même s'il y a beaucoup de fonctions étagées, on aimerait intégrer des fonctions plus...générales. Pour cela, on va utiliser la recette des analystes: approximer la fonction à intégrer par des fonctions étagées 6 , et utiliser un procédé de passage à la limite.

Tester avec la fonction nulle et \(\mathbb{1}_{\rbb 0,1\lbb }\) pour se convaincre du bien-fondé de la chose
(Exercice !)
Au fait, pourquoi ?
Pourquoi, déjà ?
Pourquoi ?
N'aurait-on pas déjà un résultat de cet ordre ? Par exemple, le théorème Théorème 6.5.4?