Section 3.5 Vers l'infini et... c'est déjà pas mal: boréliens de \(\overline \R\)
Comme on a vu, si on a un espace topologique \(\Omega\text{,}\) on peut noter \(\O_{\Omega}\) la famille de tous ses ouverts, et la tribu borélienne de \((\Omega,\O_{\Omega})\) est la tribu engendrée par la famille \(\O_{\Omega}\subset\mathcal{P}(\Omega)\text{.}\)
Du coup, si \(\Omega\) est un espace vectoriel normé, on sait qui est \(\O\text{:}\) c'est l'ensemble des sous-ensembles \(U\subset\Omega\) tels que \(U\) est voisinage de tous ses points; autrement dit, pour tout \(x\in U \text{,}\) \(U\) contient une boule de centre \(x\) ("U contient les points voisins de x").
Et \(\R\text{,}\) muni de la valeur absolue \(|.|\text{,}\) est un cas particulier d'espace vectoriel normé: U\subset\R est un ouvert si, pour tout \(x\in U\text{,}\) il existe \(r\gt0\) tel que \(\ lbb x-r,x+r \rbb \subset U\text{.}\)
Très bien, mais que fait-on pour \(\Rb\) ?
Ce n'est pas un sous-ensemble de \(\R\text{;}\) au contraire, c'est en quelque sorte un sur-ensemble de \(\R\text{.}\)
Pire, \(\Rb\) n'est pas un espace vectoriel: pour qu'un ensemble \(E\) soit un espace vectoriel, il faut que, quels que soient \(u,v\in E\text{,}\) on puisse définir la somme \(u+v\text{.}\) Or, ce n'est pas le cas dans \(\Rb\) :
mais on ne sait pas sommer les deux. Il n'y a donc aucune chance de faire \(\Rb\) un brave e.v.n. comme les autres.
Revenons donc à la racine du problème.
\(\leadsto\) Comment va-t-on définir des ouverts sur \(\Rb\) ?
Dans la Section 3.3, on a vu que l'étude de la topologie s'organise un peu en cascade:
Si on a une norme, alors on peut mesurer la distance entre deux points.
Si on peut mesurer la distance entre deux points, on peut définir une boule autour d'un point \(x\text{:}\) c'est l'ensemble des points qui sont à distance moins que \(r\) de \(x\text{.}\)
Si on sait définir \(B(x,r)\text{,}\) on peut définir un voisinage de \(x\text{:}\) c'est un sous-ensemble qui contient une boule centrée en \(x\text{.}\)
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Si on sait définir les voisinages, on sait définir les suites convergentes:
On dit que \((u_{n})_{n}\) converge vers \(\ell\) si, pour tout voisinage \(V\) de \(\ell\text{,}\) il existe \(n_{0}\in\N\) tel que pour tout \(n\geq n_{0},u_{n}\in V\) 1 .
Si on sait définir qui est ou n'est pas voisinage d'un point, on sait qui sont les ouverts: ce sont les ensembles qui sont voisinage de tous leurs points.
Et du coup, les fermés, ce sont les complémentaires des ouverts, et ils vérifient le critère habituel par les suites convergentes.
-
Si on sait qui sont les ouverts, on sait aussi qui sont les fonctions continues:
Une fonction \(f\) est continue en \(a\) ssi l'image réciproque de tout voisinage de \(f(a)\) par \(f\) est un voisinage de \(a\) 2 .
On n'a pas de norme sur \(\Rb\text{,}\) et on risque d'avoir du mal à avoir une distance raisonnable pour \(d(-\infty,+\infty)\) 3 donc on va sauter directement à la troisième étape: pour tout \(x\in\Rb\text{,}\) on va dire à quelle condition un sous-ensemble \(A\) de \(\Rb\) est un voisinage de \(x\text{.}\)
Définition 3.5.1. Voisinages dans \(\Rb\).
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Si \(x\in\R\text{,}\) on dit que \(A\subset\Rb\) est un voisinage de \(x\) ssi \(A\cap\R\) est un voisinage de \(x\) pour la topologie habituelle dans \(\R\text{.}\)
Autrement dit, les voisinages de \(x\) dans \(\Rb\) sont les voisinages de \(x\) dans \(\R\text{,}\) auquel on ajoute éventuellement \(\pm\infty\text{.}\)
Par exemple, \(\rbb 2,7 \lbb,\rbb 1,+\infty \lbb\) et \(\lbb 3,+\infty \rbb \cup\{-\infty\}\) sont des voisinages de \(4\in\Rb\text{.}\)
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Si \(x=+\infty\text{,}\) on dit que \(A\subset\Rb\) est un voisinage de \(+\infty\) ssi il existe \(a\in\R\) tel que \(\rbb a,+\infty \lbb\subset A \text{.}\)
Remarque: c'est équivalent à demander qu'il existe \(a \in\R\) tel que \(\lbb a,+\infty \lbb \subset A \text{.}\)
-
Si \(x=-\infty\text{,}\) on dit que \(A\subset\Rb\) est un voisinage de \(-\infty\) ssi il existe \(a\in\R\) tel que \(\rbb -\infty,a \lbb\subset A\text{.}\)
Remarque: C'est équivalent à demander qu'il existe \(a\in\R\) tel que \(\rbb -\infty,a \rbb \subset A\text{.}\)
De là,
U\subset\Rb
est un ouvert de \(\Rb\) si, pour tout \(x\in U\text{,}\) \(U\) est un voisinage de \(x\text{.}\)Exemple 3.5.2.
Les sous ensembles
sont des ouverts de \(\Rb\) 4 .
Mais pas \(\lbb 0,1 \rbb \cup\{+\infty\}\) (qui contient \(+\infty\) mais n'est pas voisinage de \(+\infty \)).
A partir de ça, \(F\) est fermé dans \(\Rb\) si son complémentaire \(\Rb\setminus F\) est ouvert.
Exemple 3.5.3.
En passant au complémentaire dans nos exemples précédents , on trouve donc que
sont des fermés de \Rb.
Mais pas \(\rbb -\infty,0\lbb \cup \rbb 1,+\infty \lbb\text{.}\)
Remarque 3.5.4. Pourquoi ça, et pas autre chose ?
Une raison pour cette définition de la topologie de \(\Rb\text{,}\) c'est que si \(U\subset\Rb\) est un ouvert dans \(\Rb\text{,}\) alors \(U\cap\R\) est ouvert dans \(\R\text{:}\) autrement dit, la topologie induite 5 par \(\Rb\) sur \(\R\) est la topologie habituelle sur \(\R\text{.}\)
Avec cette topologie, on obtient qu'une suite \((u_{n})_{n\in\N}\) converge vers \(\ell\in\Rb\) ssi, pour tout voisinage \(V\) de \(\ell\text{,}\) il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0}\text{,}\) \(u_{n}\in V\text{.}\) Or,
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Si \(\ell\in\R\text{,}\) pour tout \(\varepsilon>0\text{,}\) l'intervalle \(\lbb \ell-\varepsilon,\ell+\varepsilon\rbb\) est un voisinage de \(\ell\text{.}\)
Donc, si \((u_{n})_{n\in\N}\) converge vers \(\ell\) dans \(\Rb\text{,}\) alors pour tout \(\varepsilon\gt0\text{,}\) il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0}\) ,
\begin{equation*} u_{n}\in\lbb \ell-\varepsilon,\ell+\varepsilon\rbb,\text{ càd } |u_{n}-\ell| _lt \varepsilon. \end{equation*}Réciproquement, supposons que
\begin{equation*} (\star)\quad\forall\varepsilon>0,\ \exists n_{0}\in\N,n\geq n_{0}\Rightarrow|u_{n}-\ell|\lt \varepsilon; \end{equation*}alors si \(V\) est un voisinage de \(\ell\) dans \(\Rb\text{,}\) \(V\cap\R\) est un voisinage de \(\ell\) dans \(\R\) (c'est la définition de voisinage de \(\ell\) qu'on a choisie) donc il existe \(r\gt 0\) tel que \(\lbb \ell-r,\ell+r\rbb\subset V\text{.}\)
Mais alors, en appliquant \((\star)\) avec \(\varepsilon=r\text{,}\) on obtient qu'il existe \(n_{0}\) tel que pour tout
\begin{equation*} n\geq n_{0},u_{n}\in\lbb \ell-r,\ell+r\rbb\subset V. \end{equation*}Donc \((u_{n})_{n}\) converge vers \(\ell\) dans \(\Rb\) au sens de la topologie qu'on a défini.
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Si \(\ell=+\infty\text{,}\) alors pour tout \(M\geq0\text{,}\) \(\rbb M,+\infty\lbb\) est un voisinage de \(\ell\text{.}\) Donc, si \((u_{n})_{n\in\N}\) converge vers \(+\infty\) dans \(\Rb\text{,}\) alors pour tout \(M\geq0\text{,}\) il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0}\text{,}\) \(u_{n}\in\rbb M,+\infty\lbb\text{,}\) autrement dit \(u_{n}\geq M\text{.}\)
Réciproquement, supposons que
\begin{equation*} (\star)\quad\forall M\geq0,\ \exists n_{0}\in\N,n\geq n_{0}\Rightarrow u_{n}\geq M; \end{equation*}alors si \(V\) est un voisinage de \(\ell\) dans \(\Rb\text{,}\) il existe \(a\in\R\) tel que \(\rbb a,+\infty\lbb \subset V\) (c'est la définition de voisinage de \(+\infty\) qu'on a choisie).
Mais alors, en appliquant \((\star)\) avec \(M=|a|\text{,}\) on obtient qu'il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0}\text{,}\)
\begin{equation*} u_{n}\in\rbb|a|,+\infty\lbb \subset\rbb a,+\infty\lbb \subset V. \end{equation*}Donc \((u_{n})_{n}\) converge vers \ell dans \Rb au sens de la topologie qu'on a défini.
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Si \(\ell=-\infty\text{,}\) alors pour tout \(M\geq0,\rbb-\infty,-M\lbb\) est un voisinage de \(\ell\text{.}\) Donc, si \((u_{n})_{n\in\N}\) converge vers \(-\infty\) dans \(\Rb\text{,}\) alors pour tout \(M\geq0\text{,}\) il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0}\text{,}\) \(u_{n}\in\rbb-\infty,-M\lbb\text{,}\) autrement dit \(u_{n}\leq-M\text{.}\)
Réciproquement, supposons que
\begin{equation*} (\star)\quad\forall M\geq0,\ \exists n_{0}\in\N,n\geq n_{0}\Rightarrow u_{n}\leq-M; \end{equation*}alors si \(V\) est un voisinage de \(\ell\) dans \(\Rb\text{,}\) il existe \(a\in\R\) tel que \(\rbb a,+\infty\lbb \subset V\) (c'est la définition de voisinage de \(+\infty\) qu'on a choisie).
Mais alors, en appliquant \((\star)\) avec \(M=|a|\text{,}\) on obtient qu'il existe \(n_{0}\) tel que pour tout \(n\geq n_{0},\text{,}\)
\begin{equation*} u_{n}\in\rbb-\infty,-|a|\lbb \subset\rbb-\infty,a\lbb \subset V. \end{equation*}Donc \((u_{n})_{n}\) converge vers \(\ell\) dans \(\Rb\) au sens de la topologie qu'on a défini.
Autrement dit, cette façon de faire de la topologie sur \(\Rb\) nous donne les mêmes définitions de convergence de suites qu'on connaissait déjà pour les suites réelles: c'est une façon “raisonnable” de faire.
Remarque 3.5.5. \(\Rb\) est un compact.
Soit \((u_{n})_{n}\) une suite de \(\Rb\text{.}\) Alors on sait que \(\limsup u_{n}\) et \(\liminf u_{n}\) existent dans \(\Rb\) (une suite admet toujours une liminf/limsup dans \(\Rb\text{,}\) même si elle n'a pas de limite).
On sait aussi que \(\limsup u_{n}\) est une valeur d'adhérence de \((u_{n})_{n}\text{:}\) il existe une sous-suite \((u_{\phi(n)})_{n}\) de \((u_{n})_{n}\) qui tend vers \(\limsup u_{n}\text{.}\)
\(\leadsto\) Toute suite de \(\Rb\) admet une sous-suite qui converge dans \(\Rb\text{.}\) Autrement dit, avec cette topologie, \(\Rb\) est compact.
Mais maintenant qu'on sait qui sont les ouverts de \(\Rb\text{,}\) et qu'on sait faire de la topologie sur \(\Rb\text{,}\) on peut définir les boréliens de \(\Rb\text{.}\)
De plus, il existe une base dénombrable de la topologie de \(\Rb\text{.}\) En procédant comme sur \(\R\text{:}\)
Proposition 3.5.6.
Soit \(U\subset\Rb\) un ouvert de \(\Rb\text{.}\) Il existe une famille dénombrable \(\mathcal{A}_{U}\) d'intervalles ouverts telle que
Petit Exercice 3.5.7. Preuve.
Prouvez-le !
Considérer la famille
\(\leadsto\) Du coup, la famille d'intervalles
est une base dénombrable de la topologie sur \Rb.
Et comme en fait,
les intervalles de cette famille peuvent tous s'exprimer comme intersections dénombrable et complémentaire d'intervalles du genre
On a donc en fait
carolinevernier.website/topo_induite.pdf